I want so much to open your eyes [R. THALYSS]

Quelque chose clochait. Il l'avait remarqué il y a des semaines, mais ces derniers jours, ça ne faisait qu'empirer. Thalyss était différente. Pas dans le sens où elle était devenue un hybride - il ne manquait plus que ça -, mais elle se comportait de façon vraiment très étrange. Elle ne râlait plus parce qu'il laissait traîner ses affaires partout dans l'appartement. Elle ne disait rien quand il revenait tard la nuit, sans avoir prévenu à l'avance. Elle était trop calme, et ça commençait à l'inquiéter. Sérieusement. Où était-passée l'adolescente hystérique et maniaque du ménage et de la proprété ? Celle qui lui tirait toujours la gueule parce qu'il ne voulait pas la laisser l'accompagner en mission. Celle qui pouvait le traiter de con, puis soigner ses blessures, et lui réchauffer le dîner. Cette Thalyss là lui manquait. Il ne parvenait même pas à se souvenir du moment où tout avait commencé à déraper. Leur dernière dispute, si toutefois on pouvait l'appeler comme ça, remontait à deux semaines. Il était rentré tard, bien amoché par un démon, elle s'était inquiétée comme d'hbaitude en le voyant dans un aussi sale état.Bon sang, mais qu'avait-il pu faire ou dire, qui aurait causé une telle attitude inexplicable venant de Thalyss ? Il ne pouvait même pas dire qu'elle le boudait. Elle lui parlait, l'écoutait, souriait, mais elle n'était plus elle-même. Toujours dans ses pensées, distante. Inaccessible.

Castiel inspira une grande bouffée d'air frais, et ferma les yeux pendant quelques secondes. La soirée était vraiment ratée de A à Z. Il n'avait pas réussi à retrouver le démon hybride qui n'arrêtait pas de semer le trouble dans le quartier, ces derniers jours. Il semblait joueur, plus qu'ils l'étaient d'habitude. Le petit jeu du chat et de la souris paraissait l'amuser particulièrement. Il laissait de fausses pistes, le faisait tourner en bourrique. A chaque fois qu'il lui semblait être enfin sur la bonne voie, il le perdait de vue. En réalité, il ne savait même pas à quoi il ressemblait, et si c'était un homme ou bien une femme. Sincèrement, il s'en fichait pas mal. Il avait juste envie d'en terminer aussi vite que possible. Et ce qu'il voulait avant tout, c'était de comprendre Thalyss. Sa petite Thalyss, qu'il connaissait mieux que personne. Enfin... C'était ce qu'il croyait, jusque là.

« Lyss ? ; appela-t-il en ouvrant la porte de l'appartement, mais seul le silence lui répondit. Encore sortie. Décidemment, la retenir en place était quasi-impossible. Elle n'était pratiquement jamais à la maison, surtout le soir. Et savoir qu'elle fréquentait les rues, qui regorgeaient de ces affreuses créatures, éveillait en lui des sensations peu agréables. Il savait très bien qu'elle pouvait se défendre. Il n'en avait jamais douté. Mais il s'inquiétait malgré tout. Parce qu'il savait de quoi étaient capables ses pires ennemis, et il était parfaitement conscient du danger que Thalyss côtoyait chaque jour, parfois sans même s'en rendre compte. Il aurait voulu la tenir le plus éloignée possible de tout ça. Mais elle était bien trop têtue pour l'écouter. Elle avait l'impression qu'il remettait en question ses "talents de chasseuse". Il finit la dernière part de pizza, regarda une émission complètement débile à la télévision, tout ça sans jamais cesser de jeter des coups d'oeil inquiets à sa montre. Il était parano. Parano et surprotecteur. Il n'était pas étonnant qu'elle lui en voulait, il devait être insupportable, à force... Epuisé, il avait fini par s'endormir sur le canapé, la télé allumée. Il fut réveillé bien plus tard, par les rires étouffés de Thalyss, et une voix inconnue, qui résonnaient dans le couloir, derrière la porte d'entrée. 2h14. Il allait l'étrangler. Chose étonnante, mais elle ne semblait pas si pressée de rentrer. Ses petits rires amusés dans le couloir, le forcèrent à se raidir davantage - elle n'était pas seule, ça c'était évident, et la voix masculine qu'il entendait vaguement, ne présageait rien de bon. Il ouvrit la porte, un peu brusquement, et jeta un regard noir à la jeune fille qui était adossée contre le mur, et roucoulait avec un inconnu - qui était bien trop vieux pour elle, cela va de soi. Thalyss se redressa en le voyant et son sourire s'effaça aussitôt. L'homme qui l'accompagnait s'écarta, mais ne sembla pas pressé de partir. Au contraire, il dévisagea Castiel, avec une certaine curiosité et frustration. La jeune fille ne l'avait certainement pas prévenu qu'elle vivait avec un colocataire.

« Tu t'es bien amusée ? ; il essaya de rester calme et parvint même à sourire. Ou faire quelque chose qui y ressemblait très vaguement. « Tu aurais pu prévenir, que tu sortais ; il jeta un regard méfiant et dégoûté à l'inconnu qui accompagnait Thalyss. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait de fréquenter ce genre de type ? Tatoué, percé, et en plus, il avait une bonne dizaine d'années de plus qu'elle. Exactement le genre de fréquentations à éviter.

La haine. C'est un sentiment puissant, - parfois incontrôlable. La haine nous pousse à dire des choses qu'on ne pense pas forcément, à réagir de manière totalement décalée de nos habitudes. Et on ne comprend pas toujours comment une simple émotion, un vague sentiment parmi tant d'autres, peut nous changer, en quelques jours. Changer notre vision du monde, notre quotidien. Bouleverser notre vie... Il n'y avait, sûrement, rien de pire que de se haïr soi-même. D'être en permanente lutte contre sa propre conscience. C'était exactement ce qu'il arrivait à Thalyss - elle se détestait. Et elle avait beau savoir pourquoi, connaître la raison et avoir toutes les explications du monde - ça ne changeait rien. Elle était toujours aussi répugnée par ses propres pensées. Elle a grandi à ses côtés. Elle a vu le monde s'assombrir à ses côtés. Elle était habituée à sa présence, parce qu'il ne l'avait pratiquement pas quitté, alors qu'elle n'était qu'une gamine, puis une adolescente. Aujourd'hui, elle était adulte. Enfin... en théorie. Parce que parfois, elle avait l'impression de n'être à nouveau qu'une ado rebelle, indécise. Si perdue et déboussolée. Elle avait quatorze ans, lorsqu'elle a vu en lui un homme. Pas un ami... Un homme. Elle s'était pour la première fois aperçue qu'il était beau. Que son sourire en coin était tout simplement adorable. Qu'à chaque fois qu'il lui prenait la main, la prenait dans ses bras après une nouvelle dispute, - elle frissonnait, et ne voulait pas qu'il la lâche. Puis il y a eu son premier petit-ami, dont elle croyait être éperdument amoureuse. Elle voulait tellement y croire. Mais Ryan n'avait jamais provoqué ses délicieuses sensations qu'un seul sourire de Castiel pouvait provoquer. Elle l'avait fréquenté pendant quelques mois, il devenait exigeant et impatient. Il trouvait leur relation trop platonique et voulait passer à "quelque chose de sérieux", comme il le disait lui-même, en l'embrassant tendrement au coin d'une ruelle sombre. Elle n'avait jamais réellement apprécié le contact de ses lèvres contre les siennes. Il la laissait indifférent. Alors elle le quitta. De même que le suivant, et celui qui vint après. Ses sentiments pour Castiel semblaient disparus... moins intenses et moins troublants, en tout cas. Mais cela n'avait rien changé à ce qu'elle ressentait pour ses petits-copains. Et elle savait très bien pourquoi. Elle l'aimait, - lui seul. Tout cessait d'exister autour d'elle, lorsqu'elle était avec lui. Et il ne s'en était jamais rendu compte. Même aujourd'hui. Il ne le voyait pas, il ne pouvait pas comprendre. Et elle était bien décidée à changer, elle aussi. Elle n'en pouvait plus, de souffrir en silence, en rêvant du moment où il verra en elle une femme et non pas une petite fille qui avait besoin d'être protégée. De se réveiller en sursaut la nuit, en faisant le même rêve, celui où il l'attire contre elle, l'embrasse, lui murmure des mots doux à l'oreille. Ça devenait tout simplement ridicule. Il fallait y remédier, et sans attendre. Ce qu'elle fit - en descendant quatre shooters au bar du coin, histoire de se donner du courage et arrêter de penser à Castiel, puis en arrivant à l'appartement au bras d'un inconnu qui avait passé la soirée à la draguer. Il ressemblait à une rock-star ratée, mais elle s'en fichait. Lui ou un autre, - qu'importe ? Aucun d'eux ne sera Castiel, alors il n'y avait pas de différence. L'alcool s'était rapidement répandu dans son sang et la sensation d'euphorie lui donnait l'impression de flotter. Ses doutes et ses questions semblaient oubliées dans un coin obscur de sa raison et de sa conscience. S'oublier... complètement, définitivement. C'était ce qu'elle voulait, roucoulant et riant joyeusement dans les bras du jeune homme dont elle ne se rappelait plus le prénom. Puis il y a eu des bruits, des pas, la porte s'ouvrit. Et son sourire se dissipa lentement, lorsque son regard clair croisa celui de Castiel. Il avait l'air furieux, mais il essayait de garder son calme. Il lui sembla apercevoir une étincelle de déception dans ses yeux couleur chocolat, mais elle n'en était pas certaine. C'était sûrement l'imagination qui lui jouait encore des tours. Thalyss ignora sa remarque. « Jacob... Tu devrais rentrer. » Elle se décolla du mur, sentant une légèreté inhabituelle dans son corps et ses jambes. Le type qui l'accompagnait fronça les sourcils, sans la quitter des yeux.

« Je m'appelle Jason. » protesta-t-il, l'air profondément vexé par cette erreur. Mais la jeune fille réagit à peine, et entra dans l'appartement, passant à côté de Castiel sans même lui adresser un regard. Le chasseur ferma la porte, sous le regard ahuri de l'inconnu qui était resté dans le couloir et ne comprenait décidément pas ce qu'il était en train de se passer. Il n'était pas le seul. Thalyss arriva jusqu'au canapé du salon, et s'y laissa tomber, car ses jambes refusaient tout bonnement de marcher jusqu'à sa chambre - c'était tellement loin... Et elle était si fatiguée. La jeune fille bailla, mais le regard que Castiel lui jeta la fit revenir sur terre. La soirée était loin d'être terminée. Non, au contraire, elle ne faisait que commencer. Et elle le voyait déjà venir, avec son air sévère et protecteur "Comment as-tu pu être aussi irresponsable, blah-blah..." Elle cligna des yeux, le regard aussi innocent que celui de Bambi. « Tu veux me dire autre chose ? A part - tu te comportes de façon immature, comment je peux te traiter en adulte alors que tu agis comme une gamine ?... » Il restait silencieux, et ses iris s'étaient assombris. D'accord, peut-être la provocation n'était pas la meilleure solution pour éviter le scandale. Il avait serré les poings. Thalyss plissa le nez et se leva. « Bon, puisque tu n'as rien à dire, je vais aller dormir... » Mais elle n'eut même pas le temps de faire ne serait-ce qu'un pas en direction de sa chambre. La main de Castiel se referma dans un geste un peu brutal autour de son poignet, et elle n'eut d'autre choix que de s'immobiliser et retenir sa respiration. Pas parce qu'il lui faisait peur - elle savait très bien qu'il n'allait jamais être violent avec elle. Le pire qu'il pouvait faire, c'était lui crier dessus, ce qui était inutile. Elle retint son souffle à cause de cette proximité inattendue et troublante. Un léger frisson parcourut son dos, et elle leva lentement ses grands yeux bleus vers lui. « Je suis désolée, d'accord ? Je ne savais même pas que tu étais rentré. Tu n'as pas prévenu non plus, lorsque tu es parti aujourd'hui. Je pensais que tu étais en train de chasser... »

« Et c'est pour ça que... ; il n'arrivait même pas à parler, la gorge nouée et brûlante à cause de cette colère inexplicable qui le submergeait face à l'idée seule de ce à quoi il était en train de penser. « C'est pour ça que tu as ramené cette chose répugnante avec toi? ; finit-il par demander, calmement. Presque trop, pour que cela paraisse sincère. Thalyss le fixait de ses immenses yeux couleur océan, si expressifs. Si beaux. Son regard exprimait à cet instant une incompréhension sans limites. Elle ne parvenait pas à comprendre sa réaction, encore moins la manière dont il était en train de se comporter avec elle. « Où est-ce que tu l'as trouvé? Sous un pont, dans la rue? Au milieu des cartons et bouteilles de bières?

Oui, il était en colère. Furieux, même. Parce qu'il ne reconnaissait plus Thalyss, et qu'il était frustré de ne plus la comprendre comme avant. Il y a encore quelques mois, elle commençait une phrase - il la finissait. Elle était heureuse - il souriait. Il n'avait pas toujours eu besoin de mots et de discours émouvants. Ils n'en avaient jamais eu besoin, en réalité. Il la connaissait, il la comprenait, il la soutenait et il l'aimait. Il ne s'était jamais posé la question de savoir ce qu'elle ressentait, elle. Il était sûr à 100% qu'elle éprouvait la même chose. Et elle avait beau lui prouver le contraire à travers ses réactions et nombreux messages qu'elle essayait de faire passer, il ne le voyait toujours pas. Il ne voyait pas cet amour là dans ses yeux. Peut-être bien qu'il n'avait tout simplement pas envie de le voir... Qu'il avait peur. Qui sait. Après tout, il était bien habitué à fermer les yeux sur ses sentiments et ses doutes. Il n'avait pas d'autre choix, avec un boulot comme le sien. Il se devait d'être fermé et distant pour son propre bien et pour le bien de ceux qui l'entouraient. Thalyss, en occurence. Tout le ramenait à elle, à chaque fois. La Thalyss qu'il avait connu pendant toutes ces années n'était pas cette fille au regard de glace qui lui faisait face. Ils se seraient disputés, puis réconciliés deux minutes plus tard, comme toujours. Elle l'aurait bombardé de coussins, et lui, il l'aurait traité d'hystérique. Et il aimait la sentir aussi ouverte et complice. Ses dernières réactions le mettait mal à l'aise, même s'il faisait tout pour se convaincre du contraire. Elle le mettait mal à l'aise.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive? ; souffla-t-il finalement, son regard devenant plus doux. Il était découragé. La colère semblait s'être envolée, laissant place à la déception et au chagrin. « Je sens... je sens que je suis en train de te perdre... et ça me fait vraiment peur ; avoua-t-il dans un faible murmure, relâchant la pression sur le poignet de la jeune femme qu'il tenait toujours, craignant qu'elle ne lui échappe. « J'aimerais tellement comprendre... te comprendre. Pourquoi tu ne me dis rien? Tu sais que tu peux tout me dire, n'est-ce pas. Je ne te jugerai jamais. Mais arrête ça. Arrête de faire semblant que rien ne te touche, et que rien ne te fait peur. Rentrer aussi tard, saoule, dans les bras d'un inconnu qui a le double de ton âge, croisé Dieu ne sait où.... Ce n'est pas toi, Thalyss.

Il voulut remettre une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille - petit geste affectueux dont il avait l'habitude, lorsqu'il la rassurait. Mais elle frissonna ; fragile comme une petite feuille en plein hiver, sursautant presque face à ce contact inattendu, pourtant si habituel et commun. Comme s'il venait de l'électrocuter. Comme s'il lui avait fait mal. Et son coeur se serra douloureusement face à cette pensée. Le détestait-elle au point de ne plus le laisser la toucher ?

Idiot ; il n'y avait pas d'autres mots pour le qualifier à cet instant précis. Il était tout simplement idiot, et elle avait de plus en plus cet étrange pressentiment, quelque part oublié dans les abîmes de son âme, ou de son subconscient... Ou n'était-ce qu'un simple sixième sens, une intuition frêle, et pourtant si réelle. Elle avait le sentiment qu'il jouait à un jeu, lui aussi. Que cet air d'incompréhension avec lequel ils étaient en train de se dévisager, cherchant l'un chez l'autre la moindre faille pour s'y accrocher, était enjoué. Des deux côtés. Parce qu'en réalité, ils n'étaient pas aussi naïfs qu'ils voulaient le faire croire. Ils comprenaient très bien ce qu'il était en train de se passer, et cette perspective les effrayait un peu trop. La peur de se perdre... de ne plus jamais retrouver cette forte complicité qu'ils avaient partagé pendant des années, se déchirant sans cesse, mais se retrouvant toujours, le sourire aux lèvres. Peut-être que cette fois-ci, ils étaient dans une impasse. Un point perdu, sans retour possible. La fin. Thalyss sentit ses yeux picoter, et avant qu'elle ne puisse le réaliser pleinement, ils se remplirent de larmes. Des larmes silencieuses. Celles qui étaient aussi les plus douloureuses. Ce n'était pas la petite Thalyss qu'il avait connu autrefois, et il avait raison. Ce n'était pas non plus la bonne copine qui pouvait tout supporter et l'écouter se confier à propos de ses peines de cœur. L'entendre parler de ses jolies conquêtes lui était pénible. Non... C'était insupportable. Parce qu'elle l'aimait, et ce n'était pas un amour de meilleure amie, encore moins celui d'une sœur. Chacun de ses regards la déstabilisait, et le moindre contact la brûlait. Elle était incapable de lutter contre ses sentiments qui étaient en train de la détruire de l'intérieur. C'était comme une bombe à retardement, qu'elle avait gardé au fond d'elle-même pendant de longues années. Peut-être bien qu'elle était une gamine, lorsqu'elle s'en était rendue compte. Mais jamais encore, elle n'avait ressenti quelque chose de semblable ; quelque chose d'aussi intense et troublant. Elle avait beau rejeter cette vérité, rien n'y faisait. Elle n'en souffrait que davantage, se renfermant sur elle-même, se réfugiant dans un univers qui ne lui appartenait pas. Dans un monde où elle n'avait pas sa place. Celui où elle croyait pouvoir apaiser sa douleur morale à l'aide d'un verre d'alcool, et était persuadée de faire une croix sur Castiel en faisant mine de s'intéresser au premier venu. Elle n'avait jamais eu le courage de lui dire... Elle avait mené ce combat - sans doute le plus dur de sa vie - en espérant silencieusement que tout allait s'arranger, et redevenir comme avant. Mais elle se mentait. Ce n'était qu'une frêle illusion, qui, à peine effleurée du bout des doigts, se brisait en mille morceaux, et laissait derrière elle un goût amer de déception et de frustration. Parce qu'elle avait perdu la bataille d'avance. Et parce qu'elle ne savait plus quoi faire désormais. Elle ne s'était jamais sentie aussi perdue qu'à cet instant là - éphémère, et pourtant, lui semblant éternel.

« Ça n'a pas d'importance... » Mais qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi mens-tu encore ? - les questions se mêlaient et se heurtaient dans son esprit, sans y trouver une quelconque réponse. Ils n'entendaient qu'un écho lointain. « C'est juste... c'est juste la fin. Je n'ai plus envie de vivre ici. » - encore un peu, et elle se serait écroulée en sanglots dans ses bras, ici-même, oubliant sa fierté et sa froideur derrière laquelle elle voulait tant cacher sa vulnérabilité. La plus grande de ses faiblesses. Le plus suave de ses pêchés... Son amour pour lui. « J'ai envie d'évoluer, de passer à autre chose. En restant ici, je n'avance nulle part. Je stagne, toujours à la case de départ, et je ne vois pas la moindre perspective devant moi. Je ne vois rien. On devrait juste... mener nos vies, chacun de notre côté. Emprunter des chemins différents. » Cela n'avait aucun sens, et elle le savait, tout aussi bien que lui, il le savait. Elle s'épanouissait à ses côtés, croyait en un avenir meilleur uniquement parce qu'il était avec elle. Si elle partirait, comme elle disait le vouloir, ce ne serait pas seulement la fin de cette relation qui les liait. Son monde tout entier s'écroulerait, parce qu'il ne serait plus là pour la motiver. Il ne lui tendra plus la main si elle aura besoin d'aide, il ne l'attrapera plus si elle trébuchera. La raison persistait à lui faire croire qu'en s'éloignant de lui, elle pourrait recommencer à zéro, même si ce sera dur - que c'était la meilleure solution. Mais le cœur n'y était pas. Et lorsqu'elle plongea à nouveau son regard bleu azur dans le sien, ses yeux le suppliaient presque. Ils le suppliaient de la retenir, de lui dire qu'elle avait tort. Dis quelque chose. Fais quelque chose. Ne me laisse pas partir. Parce que sans toi, ma vie n'aurait aucun sens, et mon monde s'arrêterait de tourner...

Elle ne pouvait pas être sérieuse. Elle ne pouvait pas. Ils étaient tout le temps ensemble, et ce, depuis qu'elle avait trois ans, même moins. Bien sûr, ils n'avaient pas toujours "vécu ensemble". Pendant une assez longue période, Thalyss avait été hébergée par son oncle Jack, qui lui, habitait à Los Angeles. C'était sa période un peu rebelle, à cette époque là, mais en réalité, cela lui importait peu. S'il l'avait convaincu de partir pendant un petit bout de temps, c'était uniquement pour la protéger. Encore et toujours. Un hybride était à ses trousses, et Castiel n'était pas bête - il savait très bien que tant qu'elle resterait à ses côtés, Thalyss courerait un très grand danger. Il n'avait fait rien d'autre à part l'éloigner de tous ses risques inutiles auxquels elle était exposée à cause de lui. Elle ne l'avait jamais su, d'ailleurs, la véritable raison de cet éloignement, il y a quelques années. Elle avait peut-être cru qu'il était fatigué d'elle. Lassé de cette vie quotidienne où ils partageaient absolument tout. Ca n'avait jamais été le cas. Même s'ils se chamaillaient sans cesse, qu'ils se trouvaient toujours des raisons pour une nouvelle dispute. Ce n'était jamais sérieux. Il le savait, et il ne s'en était réellement soucié à aucun moment. Et aujourd'hui, il n'était plus certain de rien. Le sentiment d'inquiétude se faisait de plus en plus intense - s'emparant de tout son être, le forçant à serrer ses mâchoires et ses poings.

« Thalyss, arrête ça ; répéta-t-il toujours dans un chuchotement fragile, bien que sa voix était devenue plus ferme. « Tu ne sais pas ce que tu dis, là. On se dispute sans cesse, tu le sais bien. On trouve toujours des prétextes... Mais on ne le pense jamais, au fond. Ce n'est pas... c'est juste... ; il s'interrompit pendant un court instant. « Ca va passer, n'est-ce pas? Tu vas sûrement changer d'avis... d'ici une heure ou deux, tu te calmeras et on va en rire tous les deux, comme toujours ; du moins, c'était ce qu'il voulait. Ce qu'il désirait plus que tout - que ce ne soit pas la fin, comme elle le disait. Parce qu'il ne pouvait pas y avoir de fin, dans leur relation, dans ce lien presque irréel qui les unissait. Rien ne pouvait le briser, rien ne pouvait le rompre. Aucune force, aucune parole, et surtout pas un malentendu. Parce que c'était un malentendu, il en était persuadé.

Mais la façon dont Thalyss le regarda, prouvait le contraire. Ses yeux toujours remplis de larmes, qui coulaient lentement sur ses joues. Un regard empli d'un profond chagrin, qui réussit à le faire frissonner. Elle acquiesça, silencieuse, et se dirigea vers la porte. Enfin... Elle se retourna juste, à peine, car il lui saisit à nouveau le bras, l'arrêtant. Quelque chose lui disait que s'il la laissait passer cette porte, aujourd'hui, il ne la reverrait peut-être plus jamais. Parce que le contrôle de cette situation était en train de lui échapper, un peu plus à chaque seconde, et n'avait rien d'une petite dispute ordinaire.

« Est-ce que tu m'aimes? ; la question lui échappa, avant même qu'il n'ait eu le temps d'y réfléchir. Trop brusque, peut-être. Trop inattendue. Il aurait dû trouver un autre moyen... il aurait dû, oui, mais c'était un peu tard pour y penser maintenant. Elle s'était immobilisée - le regardait comme un fou. Et quelque chose lui disait qu'elle n'allait pas rendre cette bataille facile. Il venait de faire un effort inhumain pour que ces mots franchissent la frontière de ses lèvres. C'était à présent à son tour, de faire ce pas. Ils n'avançaient pas, elle avait raison, et c'était le moment idéal pour changer les choses. Maintenant ou jamais. Qu'allait-il faire, si elle allait répondre oui? Qu'allait-il faire si elle répondait non? Il était complètement paumé dans les deux cas... « Je ne te demande qu'une chose, Lyss, c'est de ne pas me mentir. Quelle que soit ta réponse, sois franche.

Lui dire toute la vérité ; voilà une chose qu'elle aurait souhaité, plus que tout au monde. Mais à chaque fois qu'elle était sur le point de tout avouer, à l'instant même où cette délicieuse vérité cherchait à s'échapper d'entre ses lèvres, à lui glisser dans un murmure embarrassé, - les mots mouraient dans sa gorge, et ses cordes vocales devenaient aussi inutiles, paralysées, que le reste de son corps, et de son esprit. Elle était bloquée ; bloquée par la peur, par l'inquiétude, par le doute. Elle craignait plus que tout de le perdre, l'idée seule de briser leur amitié, leur complicité si rare, l'empêchait de lui ouvrir son cœur. Comment savoir qu'il acceptera cette réalité ? Comment être sûre qu'il ne lui demandera pas de partir, de l'oublier, de faire une croix sur toutes ces belles choses qu'ils ont connu et partagé. Toujours réunis... Toujours ensemble. Rien ne semblait pouvoir les séparer ; rien, à part le sentiment censé être le plus beau et le plus suave de tous - l'amour. Il ne l'aimait pas, et pour elle, ce n'était qu'une évidence amère. Elle n'avait rien d'extraordinaire ; elle n'avait pas de longues jambes de mannequin, ni une poitrine à la Pamela Anderson, son physique était bien trop commun, par rapport à toutes ces belles filles que Castiel avait fréquenté par le passé. Elle se sentait même... inexistante, en y repensant. Elle n'avait absolument rien qui aurait pu ne serait-ce qu'intéresser Castiel. C'était une catastrophe ambulante en cuisine, et une vraie petite terreur lorsqu'on la laissait à côté des objets fragiles ; elle n'était douée que pour botter le derrière des hybrides, et encore... Elle n'était qu'une gamine à ses yeux, et il en a toujours été ainsi. En partant aujourd'hui, - même si elle ne savait pas encore où elle irait -, Thalyss avait au moins la certitude de ne pas foutre en l'air leur précieuse amitié qui avait survécu à tout pendant de longues années. Elle trouverait un petit appartement, un boulot, elle réussirait bien à subvenir elle-même à ses besoins. Puis, le temps viendra, et Castiel la pardonnera d'être partie aussi brusquement. Il comprendra son désir d'indépendance et de liberté. Et il ne lui en voudra plus, comme maintenant. Elle ne verrait plus dans ses yeux couleur chocolat, l'amertume et la tristesse, qu'elle y lisait à présent. Il finira par comprendre... Thalyss essaya de ravaler ses larmes - se rassurant plus elle-même, qu'un beau jour, tout finira par s'arranger. Après tout, sa décision était déjà prise. Elle avait fait son choix, et en tant qu'adulte désormais responsable de ses actes, elle se devait de l'assumer complètement. Il était un peu tard pour faire marche arrière... La jeune femme fit mine de vouloir se diriger vers la porte, mais Castiel l'arrêta presque aussitôt, avant même qu'elle n'ait eu le temps de faire le moindre petit pas. Son cœur manqua de battement, quand le sens de ses mots lui parvint enfin. Est-ce qu'elle l'aimait ? D'une façon ou d'une autre, oui, elle l'aimait. Elle l'aimait comme son ami le plus proche, son confident idéal, celui qui risquait sa vie pour elle, celui qui voulait toujours la protéger... Mais elle voulait encore plus... Et c'est ce qui la poussait à prendre des décisions aussi difficiles. Partir pour ne pas souffrir. Le laisser s'en aller ; parce que le retenir serait injuste. Être franche... Comment ? Pourquoi faire ? Il ne la jugerait pas, sans doute. Il ne rirait pas non plus, parce que se moquer des sentiments de l'autrui n'était pas dans ses habitudes. Mais il ne comprendrait pas non plus. Et c'était très certainement la seule et unique situation, où il ne répondrait pas présent, et ne saurait être à ses côtés et partager ce qu'elle éprouvait. Thalyss esquissa un faible sourire ; triste et fatiguée, voilà comment elle se sentait à cet instant précis. Elle n'avait plus de forces pour lutter. Plus de forces pour mentir, ou faire semblant... Elle avait passé des années à faire semblant, et cela n'avait mené nulle part. Elle n'avait jamais avancé, elle ne s'était jamais sentie heureuse. Il fallait que ça se termine, d'une manière ou d'une autre. Dans le meilleur des cas, il finirait par lui pardonner. Dans le pire... Bon sang, à quoi bon envisager ces possibilités ? Peu importe ce qu'il allait se passer. Sa main vint se poser contre la joue du chasseur ; dans un geste délicat, telle une caresse d'ange. Elle le sentit se raidir, ses yeux s'accrochant avec ardeur aux siens. Elle n'avait pas besoin d'être télépathe pour savoir ce qu'il pensait. Son regard l'interrogeait, plus perdu que jamais. Mais elle se mit juste sur la pointe de ses pieds, et toujours aussi doucement, avec une tendresse presque irréelle, déposa un baiser chaste sur ses lèvres. « Est-ce que ça répond à ta question ?... Je ne peux pas être plus franche. Tu es tout ce que j'ai toujours voulu, et je sais que je ne pourrai jamais te demander de ressentir la même chose pour moi. C'est tout moi, ça... Tomber amoureuse du seul homme dont les sentiments ne seront jamais réciproques... » elle chuchotait plus qu'elle ne parlait, la gorge nouée par l'émotion. Sa main était toujours posée contre la joue de Castiel, savourant ce contact, voulant le prolonger aussi longtemps que possible. Et elle ne put s'empêcher de baisser ses yeux vers ses lèvres humides, leurs souffles se mêlant dans un rythme irrégulier. « Je suis désolée, Castiel. »

Le goût de ses lèvres contre les siennes n'était que trop exquis. Inattendu. Totalement imprévu même. Pourtant, il aurait dû s'en douter, qu'il y avait une forte possibilité qu'une telle chose se produise. Quelque part en lui, il aurait voulu éviter ce genre de situation, et c'était sûrement la raison pour laquelle il n'y avait pas pensé, à aucun moment. Sa raison, sa conscience, tout semblait opposé à ce contact. Il avait la sensation de faire quelque chose horrible, de commettre un crime atroce... De frôler les interdits et dépasser toutes les limites du raisonnable. Mais enfin, c'était Thalyss. La petite fille aux immenses yeux bleus et aux boucles chocolatées, qu'il avait connu alors qu'il avait douze ans. Ils auraient dû s'adorer comme frère et soeur. Ils auraient dû... Mais il était en train de savourer ces instants éphèmères où les lèvres sucrées de la jeune femme glissaient contre les siennes, et son souffle chaud venait se heurter au sien, - trop irrégulier, trop intense, pour qu'il puisse faire semblant. C'était une jeune femme à la beauté redoutable, mélangeant une douceur enfantine à un charme de femme fatale. Elle ne ressemblait pas à ses anciennes conquêtes, elle avait raison. Elle était beaucoup plus belle. Et bien plus vraie... Elle était si jeune - et il était pratiquement en train de profiter de la situation, du fait qu'elle en était tombée amoureuse. Comment ? Quand ? Qu'avait-il de si particulier ? Il n'avait rien à lui offrir, qu'elle n'avait déjà. Elle mértait tellement mieux. Certainement... Oui, mais il avait beau lutter, il ne parvenait pas à briser cet instant de faiblesse mutuelle, à mettre fin à cette proximité... Un tabou qu'ils réduisaient tous les deux à néant. Un interdit fascinant... délicieux... Il ne voulait pas que cela cesse, et il s'en surprenait lui-même. Sa raison semblait l'avoir quitté. Tout comme le peu de bon sens qu'il lui restait.

Prolonger ces secondes. Prolonger jusqu'à l'infini... Jusqu'à ce que le temps s'arrête. Mais elle s'éloignait déjà - et il ferma les yeux, plus à cause de ce sentiment violent de frustration, que parce qu'il se sentait confus. Il aurait dû... Sa respiration mielleuse venait chatouiller ses lèvres. Le souvenir du baiser échangé à l'instant avait laissé une empreinte profonde dans son esprit, pourtant totalement vide. Ses lèvres avaient le goût de fraise et de vanille. Et il n'avait jamais remarqué à quel point sa peau était douce, auparavant. La déception qu'il perçut dans sa voix le fit frissonner. Jamais... Jamais... Comment le savait-elle ? Pourquoi elle en était aussi certaine ? Bon sang, il perdait réellement pied. C'est elle qui avait raison. Il se devait de l'accepter, cette réalité, telle qu'elle la voyait. C'était lui, l'adulte, l'homme raisonnable. Celui qui se devait d'agir pour son bien, et non pas par pur égoïsme. Pourtant, il aurait donné n'importe quoi, pour agir ainsi. Peut-être... Juste ce soir... Non, arrête ça, arrête immédiatement. La voix de la raison devenait de plus en plus lointaine. Etouffée. Perdue dans les abimes d'une nouvelle passion. Il était égoïste... Il l'était sans aucun doute. Parce que c'est avec avidité que ses lèvres vinrent retrover celles de Thalyss, dans un nouveau baiser, tellement fougoueux et brusque, qu'il l'entendit gémir tout doucement contre sa bouche. Sa main droite vint se poser dans ses cheveux, l'autre glissa dans son dos, et il renforça son emprise sur sa taille. Toujours plus près... Toujours plus...

Elle était terrifiée... Prisonnière de cette peur absurde, et si agréable en même temps. La peur de l'inconnu. Oui, elle était tout simplement persuadée que Castiel ne pouvait pas s'intéresser à elle, voir en elle une jeune femme. Elle était sûre qu'il ne voyait en elle qu'une bonne amie ; voir même une petite sœur. Il ne lui a jamais donné la moindre raison d'en douter - pas un seul prétexte, pas une seule fois, durant toutes ces années. Peut-être bien qu'elle n'était qu'une gamine, mais elle l'aimait, d'un amour sincère et intense, qui la consumait, et lui faisait mal. Et il aurait pu mettre fin à tout ça. Mais il était certainement aussi effrayé qu'elle, à la seule idée que leur relation pourrait prendre ce tournant, un beau jour. On a toujours peur qu'une amitié puisse être détruite par une amourette passagère. Que la passion éphémère finira par s'éteindre, mais la complicité ne sera plus là, et le malaise sera présent dans le moindre de nos gestes. Parce qu'on se regardera autrement... Et qu'on se sentira différent, même dans les petits moments du quotidien. Mais le regard qu'elle portait sur Castiel venait de changer, encore plus, aujourd'hui, à cet instant où sa bouche vint retrouver la sienne dans une étreinte presque violente, qui lui arracha un fin gémissement. Et elle savait, elle comprenait très bien ; plus rien ne sera comme avant, à présent... Découverte étonnante, mais elle ne le regrettait pas, pas une seule seconde. Elle ne regrettait pas tous ces mots qui lui avaient glissés, ce soir là, toute cette vérité innocente qui lui avait échappé dans un murmure. Pas plus qu'elle ne regrettait ce geste qui lui sembla si naturel, lorsque ses deux mains se glissèrent derrière la nuque de Castiel, alors que leurs lèvres restaient scellées dans ce baiser ardent, passionné, - si intense qu'elle en sentit ses jambes défaillir, et si Castiel n'était pas en train de l'enlacer, elle n'aurait même plus eu la force de rester debout. Ses genoux tremblaient ; tout autant que ses mains... et son corps tout entier, qui réclamait encore plus, qui le voulait plus proche que jamais. Elle voulait tant que sa présence vienne l'emplir, que cette fougue nouvelle avec laquelle leurs bouches se mêlaient et se rejoignaient, la possède... complètement... brutalement... Elle l'avait attendu, oh que oui, elle l'avait attendu pendant si longtemps, ce moment qui arrivait enfin. Elle sentit la main de Castiel courir le long de son dos, descendre jusqu'à sa taille, remonter doucement ; soulevant son haut et se glissant en-dessous. Le contact de ses doigts, un peu froids, contre son dos nu, et non plus à travers la matière douce de son chemiser - la força à haleter, à quelques malheureux millimètres de sa bouche ; leurs souffles se heurtant, se mélangeant... Délicieux frissons qui parcoururent son dos, tandis que la main du chasseur remontait lentement. Il semblait vouloir prolonger ces instants... Les faire durer aussi longtemps que possible... Mais l'impatience qu'elle lisait dans ses yeux, lui faisait clairement comprendre que cela n'allait pas durer éternellement. Et comme pour lui faciliter la tâche, Thalyss tira sur la fermeture éclair de son chemisier, et le vêtement se retrouva aussitôt par terre, à leurs pieds. Ses doigts vinrent s'entremêler dans les cheveux noirs de Castiel, et elle déposa un délicat baiser sur le coin de ses lèvres, le sentant se raidir davantage, et resserrer son étreinte. Cruel dilemme que voici ; savourer ces secondes, chacune d'entre elles, les prolonger au maximum... ou céder, s'abandonner à cette douce faiblesse, ce feu qui les dévoraient tous les deux. Et ils ne demandaient que ça... Ils n'attendaient que ça. Ce moment précieux, où ils allaient défaillir, chanceler, goûter au plus fin des pêchés. La main de Castiel descendit vers sa cuisse, la frôlant à peine, et elle gémit à nouveau, pressant ses lèvres contre le cou du chasseur, laissant son souffle brûlant le caresser. Il finit par la soulever dans ses bras, la tenant fermement ; semblant parfois oublier cette délicatesse dont il faisait preuve en se laissant tenter par ces caresses, en découvrant, au fur et à mesure, ce corps fragile que personne n'avait encore touché de la sorte... ce corps qu'à présent, il paraissait convoiter plus que jamais. Et elle... elle s'oubliait, un peu plus à chaque seconde, elle se perdait et se noyait dans cet océan empli d'exaltation... d'une chaleur agréable qui se répandait à travers son corps, la remplissant, la brûlant... Ses yeux bleus s'accrochèrent aux siens, assoiffés, la lueur de passion dansant dans ses iris, alors qu'il la fit s'asseoir sur la table, l'invitant à encercler son torse de ses jambes. Ce qu'il fit volontiers, avant de l'attirer contre elle, se sentant déjà en manque de sa proximité qui la réchauffait, la berçait ; cette proximité qu'elle aimait déjà. Le t-shirt de Castiel finit par rejoindre le chemiser de la jeune fille, quelque part au sol... Bientôt suivi par le reste de ces matières inutiles, qui les gênaient tant à présent, les empêchant de ressentir pleinement ce contact désiré et attendu. Thalyss renversa la tête en arrière, pendant qu'il couvrait son cou de baisers, un peu plus impatients à chaque fois... Sa jambe dénudée remonta lascivement contre lui, alors qu'il venait de s'allonger sur elle, s'appuyant de ses deux poings contre la table ; son cœur battant à tout rompre, elle n'était qu'un petit moineau effaré et si perdu... Mais il était là pour elle, et plus que jamais, elle le sentait. Il était avec elle, il allait s'emparer de son esprit, de son âme, de tout son monde intérieur... Peut-être juste pour cette nuit. Mais cette promesse, aussi volage qu'elle soit ; était si précieuse... tendre... Un terme que Castiel semblait avoir définitivement rayé de son vocabulaire, car c'est avec une certaine rudesse qu'il serra sa jambe relevée, l'obligeant à la plier un peu plus au niveau de son genou. Des souffles qui se mêlent... deux cœurs qui battent à l'unisson... puis une étincelle de douleur ; juste une, passagère et futile. Ses paupières se plissèrent, elle se mordit la lèvre ; sentant un goût de fer prononcé dans sa bouche. Elle n'avait même pas réalisé qu'elle s'était mordue jusqu'au sang... Mais qu'importe... elle avait l'impression de flotter, d'avoir perdu la notion de l'apesanteur. Il y avait juste lui qu'elle sentait. Chancelant... dansant... mouvant... s'essoufflant dans le murmure de cette étreinte si spéciale. Et elle s'en délectait. Dans un soubresaut violent, ses ongles vinrent s'enfoncer dans son dos dénudé et luisant de sueur. Nouvelle secousse ; un peu plus légère... Faible cri qui résonna dans la nuit... Et voilà que son souffle devenait lourd, irrégulier, tandis qu'elle se crispait dans les bras de Castiel. Dans ses bras si puissants et protecteurs...

Il ne parvenait plus à retrouver une respiration normale. Son coeur battait trop fort, et aucune tentative n'était suffisamment efficace pour le calmer. Le souffle saccadé, il la serra contre lui, comme s'il craignait que tout à coup, elle ne disparaisse. Comme s'il avait peur qu'elle n'était qu'un mirage, fruit de son imagination. Mais il la sentait respirer contre lui, son souffle chaud lui chatouillant le cou, il sentait son corps encore tremblant contre le sien. Et il aurait été prêt à se damner pour vivre cet instant, et le faire durer aussi longtemps que c'était possible. Les secondes s'écoulaient trop vite, à présent. Et bientôt, il la sentit se raidir un peu, et essayer de s'esquiver de son étreinte. Mais ce n'était pas pour le fuir, comme il l'avait pensé. Quelle idée absurde... Elle s'était écartée à peine, cherchant ses lèvres à nouveau, les capturant dans un baiser tendre, cette fois-ci, presque chaste. Et il aurait tellement voulu pouvoir y répondre. Mais ce foutu téléphone commença à sonner, parvenant à briser la magie de cet instant qu'ils partageaient. Castiel ferma les yeux et poussa un long soupir, ne lâchant toujours pas Thalyss. Il n'avait pas besoin de la regarder, pour savoir qu'elle venait de sourire. De son léger sourire en coin, tellement adorable. « Vas-y ; elle le poussa très doucement, tout en continuant de sourire. « Va répondre. C'est bon. C'est peut-être important...

« Peut-être pas ; marmonna-t-il en essayant de l'embrasser, mais elle s'esquiva, sans aucun mal, lui glissant entre les bras, amusée. Il la détailla avec un regard trop intense, tandis qu'elle enfilait son haut, et s'en allait en direction du téléphone. Il en était bien conscient - après ce qu'il venait de se passer, il ne devrait pas la regarder comme ça. Comme un félin affamé. Elle avait complètement changé dans ses yeux, à présent. Il ne voyait plus une gamine, il voyait une jeune femme incroyablement belle, douce, et il se surprit à penser qu'il n'aurait pas supporté d'en être séparé, même pour quelques semaines. Même quelques jours seraient insupportables. Parce qu'elle était tout ce qu'il avait toujours voulu, tout ce qu'il avait toujours désiré. Elle était fragile, et il avait envie de la protéger. Il avait envie de lui apporter tout ce dont elle avait besoin, tout l'amour, toute la tendresse. Tout ce dont elle pouvait avoir envie. Il se demandait si ce n'était pas de l'amour... Mais il n'eut pas le temps d'y réfléchir plus que ça. Thalyss revint dans le salon, l'expression mêlant le trouble et l'inquiétude. Elle le fixa en silence, puis lui tendit le récépteur.

« C'est Heather... Elle est en ville et elle veut te parler.

Heather ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Pourquoi son ancienne petite amie, ou plutôt, son tout premier amour, la femme avec qui il voulait passer sa vie, refaisait surface maintenant ? Après toutes ces années... Castiel se racla la gorge, sans quitter Thalyss des yeux. Quelque chose dans son regard le força à retenir sa respiration pendant quelques secondes. Un soupçon de tristesse et de déception. Croyait-elle que cela allait changer quelque chose ? Il avait bien été amoureux de Heather, mais c'était il y a des années. Tout était différent maintenant. Il s'approcha d'elle, et l'embrassa sur le front.

« Je reviens... ; elle acquiesça juste pour toute réponse, et baissa les yeux. Il releva son menton, l'obligeant à le regarder droit dans les yeux. « Lyss... Je t'aime ; un faible sourire apparut sur ses lèvres, avant qu'il n'y dépose un baiser. En dépit de tout, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiét. Heather ne l'aurait pas appelé sans une bonne raison. Et savoir que quelque chose a pu lui arriver, l'alarmait bien plus qu'il ne le pensait...

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» THALYSS C. LEADOW •• crazy beautiful
» « when i look on your eyes then i find that i'll do fine » INSY