Back to Past •• feat Aaron J. Dawn

La voix qui hurlait remplie d’un désespoir déchirant était une voix que Ethan aurait pu reconnaître n’importe où. Une voix qui lui arrachait le cœur et le piétinait. Une impression de se noyer lui vient. Son cœur battait plus fort mais il ne pouvait l’entendre. Sa respiration s’était faite plus lourde mais il avait la sensation de ne pas pouvoir avaler l’air. La boule qui se formait dans sa gorge était si douloureuse à chaque fois qu’il tentait d’avaler sa salive. La peur demeurait omniprésente. Ses jambes lui faisaient défaut. Il n’arrivait plus à bouger. Ses yeux restaient grands ouverts, fixant cette silhouette qu’il distinguait à peine à cause des larmes qui brouillaient sa vue. Il avait mal, si mal. Aidez-moi, je n’arrive plus à respirer. Je vous en prie ! Je n’arrive plus à respirer. L’air continuait de lui manquer cruellement. Il ouvrait la bouche pour avaler de l’air mais sans succès. Il avait la sensation d’être vide. Infiniment vide. Il ne voulait plus rien voir, il ne voulait plus jamais ressentir, il voulait être seul. Seul, tu entends ? Seul ! Vous entendez tous ? Seul, j’ai dit SEUL !! hurlait-il dans sa tête sans que personne ne soit capable de l’entendre. Il avait si mal. C’était comme si son cœur se fendait en deux et roulait au sol. Le sang devait couler, non ? Il ne savait plus. Pourquoi ça faisait si mal ? Pourquoi devait-on aimer si cela était aussi douloureux ? Il ne pouvait plus respirer. Dans bientôt il s’écroulerait sans vie sur le sol. Je vous en supplie… je n’arrive plus à respirer.

« Ethan !!!!??? »

Cette main qui était dans la sienne, cette main chaude. C’était la première fois qu’il avait laissé quelqu’un prendre sa main sans le repousser violement. La première fois depuis très longtemps. Depuis qu’une femme belle et aimante qu’il n’avait jamais appelé Maman mais qu’il considérait comme tel était morte et l’avait abandonné seul dans ce monde affreux. Mais cette main semblait symboliser l’espoir. Ne voyait-on pas sur des affiches prônant la paix et le partage des mains d’enfants se glisser les unes dans les autres ? Le regard adolescent de Ethan était remonté le long de ce bras jusqu’au visage du petit blondinet qui le fixait avec un regard amusé, mais derrière l’amusement Ethan lisait autre chose. L’amour. C’était un mot qu’il comprenait. Il était suffisamment intelligent et malin pour le comprendre, il savait comment cela fonctionnait dans le cerveau, les liaisons nerveuses, l’endorphine, et cette hormone dans le corps se répandant, mais il n’avait jamais ressentit ça. Il n’avait jamais pensé ressentir ça. Il était tellement cynique et aigri pour un adolescent. Les autres adolescents ne l’aimaient pas à cause de ça et il le leur rendait bien. Mais le petit blond voyait au-delà du cynisme.

Ses lèvres contre les siennes légèrement humide, cette langue encore enfantine s’insinuant entre ses lèvres. Il ferma les yeux. Se laisser aller dans les bras de quelqu’un d’autre, baisser la garde même durant quelques minutes n’était pas son genre. Il était un chasseur, il savait que baisser la garde était tout sauf prudent. Le petit blondinet pourrait très bien être un hybride démoniaque ou envoyer par un des leurs pour le tromper. Mais Ethan même s’il voyait toute l’immensité des possibilités à travers sa paranoïa habile et parfaite, se laissait aller. Le feu de camps crépitait à côté d’eux. Il pouvait sentir sa chaleur sur sa peau, mais ce n’était rien en comparaison du feu ardent qui brûlait à l’intérieur de lui, ce n’était absolument rien en comparaison de la brûlure des lèvres du blondinet contre les siennes. Il était si chaud contre lui. Glissant sa main sur la joue du blondinet, il caressa les poils naissant encore duveteux. Ils étaient l’un contre l’autre et il avait la sensation qu’ils étaient seuls au monde.

Rouvrant les yeux, l’adulte contempla son ancien amour de jeunesse, son premier amour, son seul amour, se dressant sur son séant, l’observant alors qu’il se débattait avec les infirmières. Comment cela était-il possible ? Lorsque Ethan avait touché le corps inanimé de Aaron, six ans auparavant, dans ce taudis où avait eut lieu l’attaque des démons, il n’avait pas trouvé son pouls, il l’avait frappé pour le réveillé, il avait hurlé, il avait pleuré, il l’avait supplié de se réveillé, il lui avait demandé en sanglotant de ne pas le laisser seul, il lui avait promis de ne pas trop tardé à le rejoindre. Aaron était mort cette nuit là. Ethan se souvenait de la douleur qu’il avait ressentit. Il se souvenait de chaque verre qu’il avait bu en pensant à Aaron, songeant que l’alcool lui ferait oublier cette douleur. Il se souvenait de chaque instant d’ivresse où roulant sous les tables, vomissant à même le sol, il voyait encore le visage de Aaron blanc, immobile à jamais et où il se mettait à hurler comme un diable effrayant les autres clients du bar, il se souvenait des gros bras le jetant dehors, de lui qui ne se débattait même pas trop occupé à pleurer sur son propre sort. Il se souvenait de chaque instant de douleur ressentit. De sa promesse de ne plus jamais aimer pour ne plus jamais avoir à souffrir.

Et il se tenait là, devant cet amour qu’il croyait mort, devant cet adulte qu’il connaissait si bien, même si c’était encore un adolescent lorsqu’il était mort… mort ? Ce n’était pas le mot à utiliser. Il ne savait plus où il en était et il restait immobile. Aucun son ne sortait de sa bouche muette. Le souffle lui manquait. C’était si difficile de respirer. Non de dieu, il allait mourir en cet instant. Aaron n’avait pas survécu, il n’était pas tombé dans le coma, non, il était un ange descendu du ciel pour l’emmené. Il lui tendrait la main et une lumière blanche remplirait la pièce. Je vois un ange, un ange si beau, si magnifique. Etend tes ailes blanches pour moi, Aaron, je te suivrais n’importe où. Aller mon bel ange, rend moi mon souffle, je me meurs. Je mourrais pour toi, je te l’avais promis. Tu m’as attendu… et je suis là. Pour toi, je suis prêt à te suivre mon bel ange. Ethan avait mal partout. Ce n’était pas une douleur physique, mais elle y ressemblait tellement. Le souffle lui manquait. Il hoquetait, ouvrant la bouche pour happer de l’air. Mais en vain. Il avait mal. Tellement mal. Et des larmes roulaient sur ses joues. Il ne les sentait même pas contre sa peau.